« Violences conjugales faites aux hommes : la double peine »
Tribune. Le fléau des violences conjugales dans notre pays ne se résume pas uniquement à une relation dans laquelle la femme est la victime et l’homme l’agresseur. Alors qu’un nouveau texte de loi, sur la protection des victimes de violences conjugales, vient d’être adopté par le Parlement, il importe que le gouvernement et le législateur s’emparent désormais du problème dans son ensemble, au-delà de la seule question des violences faites aux femmes. Les violences conjugales se caractérisent essentiellement par un rapport d’emprise et d’agression entre un membre du couple et son conjoint ou son ex, qui subit des violences répétées, de différentes natures – physiques, psychologiques, sexuelles, matérielles, administratives. En France, parmi les victimes, figurent des hommes dans une proportion qui n’a rien de marginale.
Sujet « tabou »
Réputées être un sujet « tabou », les violences conjugales subies par les hommes pâtissent peut-être plus encore de lacunes dans leur évaluation. Quoi qu’il en soit, les données officielles à ce sujet disent a minima l’ampleur du problème. Selon l’enquête cadre de vie et sécurité (CVS) de l’Insee de 2019, plus du quart – 28 % – des victimes de violences conjugales physiques et/ou sexuelles autodéclarées sont des hommes. Soit 82 000 victimes par an, en moyenne sur la période 2011-2018. En 2018, 12 % des victimes enregistrées par les services de police ou de gendarmerie étaient des hommes (selon les chiffres du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), cités dans la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes 2019). Soit près de 15 000, sachant que la propension des hommes à dénoncer les faits de violence subis est réputée plus faible, avec un taux de plainte moindre.
L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, produite chaque année par le ministère de l’intérieur, rapporte qu’en 2018, 28 hommes ont été tués par leur conjointe ou ex-conjointe. Trente et une femmes ont donné la mort à leur conjoint(e) ou ex, trois de ces drames étant survenus au sein de couples lesbiens. Eu égard à leur mémoire et à la dignité de leurs proches, il convient de rappeler que, dans la moitié des cas, les victimes de ces homicides au sein du couple n’étaient pas auteures de faits de violence sur leurs conjointes connues de la police ou de la gendarmerie. Au contraire, certaines victimes masculines subissaient déjà de leurs conjointes des faits de violence connus de la police ou la gendarmerie.
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