Certaines mères agressent leurs filles pour maintenir une fusion dans la victimisation. Comme elles ont été violentées pendant leur enfance, elles violentent leurs petites filles pour en faire un autre elle-même, pour se sentir moins seules. Lorsqu’elles observent que leur mari est attiré par leur fille devenue adolescente, certaines mères prennent les devants, conjurent leur terreur d’être abandonnées soit en agressant elles-mêmes leur fille, soit en l’offrant à leur mari. Elles organisent les évènements, plutôt que d’en être les victimes ».

C’est probablement ce type de motivation qui a poussé Monique Olivier à participer aux viols et aux meurtres commis par son mari, le tueur en série Michel Fourniret.

Femmes pédophiles : une conception insensée de l’amour

Sherry Ashfield, psychologue à la Fondation Lucy Faithfull, organisme anglais dédié à la prise en charge des victimes et des auteurs d’abus sexuels, a également une longue expérience des mères abuseuses.

« Beaucoup de mères attachent une grande importance à la maternité, non pas par rapport à l’enfant, mais au statut social que le fait d’être enceinte leur confère. Lorsqu’elles attendent l’enfant, elles ont l’impression d’exister davantage par rapport aux autres et d’être enfin respectées. Celles qui ont des conjoints violents échappent provisoirement aux coups pendant leur grossesse.

Après la naissance, certaines femmes perçoivent leur enfant comme l’extension d’elles-mêmes, un être sans autonomie sur lequel elles ont tous les droits et vers qui elles vont projeter leur agressivité ou leur conception insensée de l’amour.

J’ai rencontré le cas d’une femme victime d’inceste qui tripotait le sexe de sa fille en lui disant : “Petite princesse, c’est comme ça que je t’aime”, répétant exactement ce que lui avait dit son père. Beaucoup de ces femmes sont incapables de concevoir l’intimité et la tendresse autrement que dans une expression sexuelle.

Pour elles, les contacts sexuels avec l’enfant sont la seule manière qu’elles ont d’exprimer ce qu’elles appellent l’amour. Pour d’autres, l’enfant devient rapidement un persécuteur, surtout s’il ressemble au conjoint violent ou s’il est né d’un viol. Lorsque ces femmes arrivent dans le système judiciaire et que leurs enfants sont placés, elles le vivent comme une catastrophe. Elles ne regrettent pas tant leur enfant que d’avoir perdu leur statut de mère ».

Au cours des longues séances de thérapie qu’elle conduit avec ces femmes, Sherry Ashfield a parfois beaucoup de mal à leur faire prendre conscience de la nature de leurs actes. « Elles me donnent toutes sortes de justifications : “Il n’y a rien de mal avec le sexe, au contraire”, “J’ai ouvert mon petit garçon à cet univers excitant et agréable…”, “De toute façon, il ne s’en souviendra pas”, “C’était mieux que ça soit moi qui lui fasse plutôt que mon mari, qui lui aurait vraiment fait du mal. En le faisant moi-même, je l’ai protégé…”

Il y a aussi les justifications romantiques, en particulier chez les femmes qui ont des relations avec de très jeunes adolescents. Elles le dépeignent souvent comme un prince charmant avec lequel elles se sentent en confiance, contrairement à l’homme adulte qui est perçu comme dangereux. D’une manière générale, la relation sexuelle avec l’enfant ou l’adolescent donne à ces femmes le sentiment de contrôler quelque chose ».

Pour Sherry Ashfield, Internet joue désormais un rôle dans la criminalité sexuelle féminine. « La rapidité et la facilité avec laquelle les images circulent sur Internet contribuent probablement à normaliser la déviance sexuelle. Depuis l’affaire Vanessa George, on sait qu’il y a des femmes qui téléchargent des images pédo-pornographiques et qui s’en servent comme adjuvant érotique dans leurs relations sexuelles adultes ».

Femmes pédophiles : accusées à tort par leurs maris

Franca Cortoni, Monique Tardif et Sherry Ashfield s’opposent toutes trois à l’idée d’une explosion de la criminalité sexuelle féminine. Pour Monique Tardif, « on dirait aujourd’hui qu’il y a une satisfaction revancharde à dire que les femmes commettent autant d’agressions sexuelles que les hommes, ce qui est complètement faux ». Sur des sites Internet créés par des associations de pères divorcés, on commence à tomber sur des accusations vengeresses du style : « mon ex-épouse est pédophile!»

Il y a fort à parier que de plus en plus de pères luttant pour la garde de leur enfant vont accuser leur ex d’attouchements sexuels. Le sujet est suffisamment grave et délicat pour ne pas tomber dans le sensationnalisme et la paranoïa généralisée.

Aux Etats-Unis et au Canada, plusieurs assistantes maternelles ont déjà été accusées à tort d’agressions sexuelles sur des enfants. Entre tabou et furie médiatique, il faut s’en tenir à une réaliste vigilance, écouter les victimes et concevoir des programmes thérapeutiques adaptés aux agresseuses.

(*) « Female sexual offenders : theory, assessment and treatment », Franca Cortoni et Theresa Gannon, éd. Wiley-Blackwell.

A lire aussi : « L’ultime tabou, femmes pédophiles, femmes incestueuses », d’Anne Poiré, éd. Patrick Robin.
Et «
Je suis debout », le livre-témoignage de Chérif Delay, l’aîné des enfants d’Outreau, éd. Cherche-Midi.