Elle avait trente ans de moins que lui et elle pesait trente kilos de plus. Clairement, le frêle septuagénaire ne « faisait pas le poids » face cette épouse qu’il accusait de le battre régulièrement depuis des années.

Un calvaire vécu en silence, avec « la honte » de dénoncer les faits, mais aussi « la peur » d’envoyer son épouse en prison, a expliqué cet homme connu pour être « fragile et influençable » à la barre du tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse qui jugeait mardi son épouse. La fille de celle-ci, qu’il avait adoptée en 2003, était aussi sur le banc des prévenus pour des violences commises le 25 janvier dernier, dans une commune du val de Saône.

Ce jour-là, le septuagénaire qui avait fui sa maison revenait en prendre possession en vertu de l’ordonnance d’un juge, une procédure de divorce étant engagée. Il était accompagné de ses filles et d’amis. Avec une caméra vidéo, ils venaient constater la dégradation de la maison.

Mais l’accueil avait été « musclé ». Des « mots doux », des cris, des menaces, des empoignades réciproques, jusqu’à l’agression d’une des filles du septuagénaire par sa fille adoptive : frappée à la tête avec une télécommande, elle avait ensuite été mordue à la cuisse…

L’épilogue d’années de calvaire durant lesquelles ce vieux monsieur avait encaissé sans broncher : vêtements déchirés, coups de poing, projection contre une porte, œil au beurre noir. Le septuagénaire avait fait trois séjours aux urgences pour divers traumatismes. En s’excusant presque ou en minimisant : « J’ai glissé sur le tapis. Je suis tombé sur la tête. » Il avait également interdiction de recevoir ses filles chez lui, les rares rencontres se faisant devant la maison.

Des violences conjugales qui avaient démarré en 2003 lorsque sa femme avait fait venir ses filles du Cameroun, après trois ans de vie commune. Il avait rencontré sa compagne en juin 2000 avant de l’épouser en catimini, à l’insu de sa famille, en décembre, alors que, faute de visa, elle devait quitter le territoire français.

Poursuivie pour « harcèlement » et « dégradation des conditions de vie entraînant une altération de la santé », cette femme de 48 ans a nié en bloc les accusations, les retournant même contre son mari. Tandis que sa fille, 26 ans, a expliqué n’avoir fait « que se défendre ».

« J’étais prisonnier. C’était invivable », a résumé à la barre le mari battu qui a aussi expliqué qu’il avait parfois essayé d’appeler les gendarmes mais que son épouse avait cassé le téléphone à plusieurs reprises. C’est en raison de ses visites à l’hôpital pour soigner un cancer qu’il avait pu échapper à l’emprise de son épouse en mars 2011.

« Dans ce dossier, la justice n’a pas été aidée par la victime qui ne déposait pas plainte », a rappelé le vice-procureur Bertrand Guérin, jusqu’à ce que le pugilat du 25 janvier ne fasse éclater l’affaire au grand jour. Il a requis huit mois de prison avec sursis contre l’épouse et 300 euros d’amende pour sa fille.

Leur avocat a plaidé la relaxe pour un dossier qu’il souhaitait « dépassionner », mettant en doute l’existence de violences.

Le tribunal a condamné l’épouse à dix mois de prison avec sursis et sa fille à 300 euros d’amende, auxquels s’ajoutent des dommages et intérêts.

Frédéric Boudouresque