La paternité involontaire face à la justice
Des hommes apprennent, parfois plusieurs années après, qu’ils sont devenus pères et qu’ils doivent assumer ce rôle (mardi 13 janvier à 20 h 35 sur France 5)
Tout commence dans un bar. Un soir, un homme et une femme se rencontrent, boivent un verre, puis un autre. Ils se draguent, s’embrassent avant de finir la nuit ensemble. Leur amourette va durer quelques jours, après quoi, ils ne se verront plus. Une histoire des plus banales, en somme. Sauf que, quelques semaines plus tard, l’homme reçoit un appel de son ancienne conquête pour lui annoncer qu’elle est enceinte et qu’elle va garder l’enfant. Lui ne veut pas être père, mais il n’aura pas le choix.
Piégé par naïveté
Ce genre d’histoire est arrivé à Raphaël, un quadra qui va peut-être devoir assumer une paternité non souhaitée. Dans le documentaire Sois père et tais-toi !, il raconte, avec intensité, mais sans jamais élever la voix, comment il s’est fait « piéger ». Il y a une dizaine d’années, ce commerçant a rencontré une jeune fille à une époque où il multipliait les aventures. Aujourd’hui, il se souvient « vaguement » d’elle et ne croit pas être le père du jeune garçon, « fruit » de leur brève liaison. « J’étais naïf, lâche-t-il. Elle me disait qu’elle prenait la pilule, j’ai fait confiance bêtement. » La justice peut le déclarer père et accéder aux demandes de la mère : l’obliger à verser une pension alimentaire de 600 euros par mois depuis la naissance du bébé et 40 000 euros au titre du préjudice moral. « Ce n’est pas mon enfant, argue, sans s’énerver, Raphaël, qui est filmé de dos. On m’a forcé à l’avoir, c’est un viol de la paternité. »
Comme Raphaël, d’autres hommes témoignent – parfois à visage découvert – et dénoncent le sentiment de toute-puissance qu’ont certaines femmes à imposer une paternité. En effet, elles peuvent assigner – elles ont dix ans pour le faire – la personne qu’elles considèrent comme le père afin qu’il prenne sa part de responsabilités. L’enfant peut intenter également un recours juridique contre son père biologique jusqu’à ses 28 ans. L’homme, lui, n’a aucun moyen de s’y opposer. Dans le documentaire de Lorène Debaisieux, certains revendiquent leur droit à ne pas avoir de descendance et maudissent la justice qui ne prend pas en compte leur décision.
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L’enfant n’a pas le choix
La vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, Christine Teixido, affirme que la justice n’examine pas si « la mère a pu mentir », voire « mener l’homme dans un traquenard pour lui faire un enfant dans le dos », mais si « l’enfant est né de ce couple », car « lui, il n’a pas le choix : l’intérêt de l’enfant, c’est d’avoir accès à ses origines ». Pour elle, échapper à la paternité est « irresponsable ». Une explication qui ne convainc pas. Ces hommes ont le sentiment d’être réduits au rôle de géniteur bon à payer une pension. Grégory, par exemple, regrette que la justice n’impose pas un droit de visite aux pères.
Ce documentaire parle d’un sujet méconnu avec pudeur. La réalisatrice laisse longuement la parole à ces hommes, qui racontent, avec sincérité, leur malheur d’être devenus papas. Le film donne aussi la parole à Marie Plard, avocate et confidente de ces pères malgré eux. La mise en scène est sobre. Seul le choix de la narration déroute : Lorène Debaisieux choisit de parler à la première personne, sans que l’on comprenne pourquoi. En effet, elle n’apparaît pas à l’écran, et l’on ne sait pas grand-chose de ses liens avec le sujet qu’elle traite. Une narration plus neutre n’aurait rien enlevé à la puissance des témoignages.
« Sois père et tais-toi ! », de Lorène Debaisieux (France, 2014, 52 min.) Mardi 13 janvier à 20 h 35 sur France 5