Des maris contusionnés et meurtris se plaignaient depuis des années, et l’étude la plus ambitieuse jamais effectuée sur le sujet vient de leur donner raison : dans les disputes conjugales, les femmes sont plus violentes que les hommes. Cette conclusion, qui remet en cause la vieille idée que, dans une majorité écrasante de cas, les femmes sont les victimes des agressions, repose sur une enquête menée auprès de 34 000 personnes des deux sexes par un universitaire britannique du nom de John Archer. Selon les recherches de ce professeur de psychologie de l’université Central Lancashire, qui est également président de la Société internationale de recherche sur l’agression, ce sont plus souvent les femmes qui frappent leur mari ou compagnon que l’inverse.
Certes, le problème posé par la violence masculine demeure plus sérieux : les hommes ont davantage tendance à blesser leur partenaire que les femmes, qui se contentent de le bousculer, le gifler, ou de lancer des objets dans sa direction. Mais l’étude en question montre que, dans 40 % des cas, ce sont les hommes qui sont les victimes, une proportion beaucoup plus élevée que dans les précédentes enquêtes.
Le Pr Archer a analysé les données de 82 études sur la violence réalisées aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne depuis 1972. Il s’est également penché sur 17 études fondées sur les déclarations de 1 140 victimes des deux sexes. Il ressort de ses travaux que les agressions féminines sont plus nombreuses chez les femmes occidentalisées, car elles sont financièrement indépendantes et qu’elles ne craignent pas une rupture avec leur partenaire.
“Les écrivains féministes clament que la plupart des actes commis contre des hommes ne sont pas graves, mais ces écrivains se servent des mêmes enquêtes pour grossir le nombre de femmes victimes d’agressions, observe-t-il. Dans le passé, on n’aurait même pas envisagé que les femmes puissent être violentes. Je considère pour ma part que la politique sociale doit reposer sur l’ensemble des données.”
Cet avis est partagé par le Dr Malcolm George, professeur de neurosciences à l’université de Londres. Dans un article qui paraîtra prochainement dans le Journal of Men’s Studies, celui-ci affirme que les hommes sont maltraités par leurs épouses depuis l’époque élisabéthaine. A titre d’exemples, il cite l’acteur John Wayne, frappé par sa femme Conchita Martinez, Humphrey Bogart, lui aussi battu par son épouse Mayo Methot, et Abraham Lincoln, à qui sa femme Mary a cassé le nez avec un morceau de bois. Ses travaux sont étayés par des documents historiques qui indiquent que les hommes battus par leurs femmes étaient jadis humiliés en public au cours d’une cérémonie appelée “skimmington procession”, du nom de la louche qui servait à écrémer [skim] le lait pour faire du fromage. “Nos conclusions sont très complexes, mais le fait est que nous recensons plus de femmes frappant leur partenaire masculin que l’inverse, poursuit le Dr George. L’idée communément admise est qu’elles agissent ainsi pour se défendre, mais c’est faux : dans 50 % des cas, ce sont elles qui agressent les premières. Le message qui ressort de notre étude est dangereux, car les hommes peuvent en conclure qu’ils n’obtiendront aucune réparation juridique et qu’ils n’ont d’autre option que de rendre les coups.”
Pour le Dr Anne Campbell, psychologue à l’université de Durham, les femmes n’en doivent pas moins bénéficier du plus grand soutien, car ce sont elles les principales victimes de la violence conjugale. “Mais la violence féminine est de plus en plus admise. On a le sentiment aujourd’hui qu’elles sont en droit de ‘frapper leurs mecs’.”

Sophie Goodchild